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LA SOURIS INTERROGÉE…

Ursus repondit :

— Toute plante est lampe. Le parfum est de la lumière.

Éaque feuilleta d’autres pages.

— Vous avez nié que les vésicules de loutre fussent équivalentes au castoreum.

— Je me suis borné à dire qu’il fallait peut-être se défier d’Aétius sur ce point.

Éaque devint farouche.

— Vous exercez la médecine ?

— Je m’exerce à la médecine, soupira timidement Ursus.

— Sur les vivants ?

— Plutôt que sur les morts, fit Ursus.

Ursus ripostait avec solidité, mais avec platitude ; mélange admirable où la suavité dominait. Il parlait avec tant de douceur que le docteur Éaque sentit le besoin de l’insulter.

— Que nous roucoulez-vous là ? dit-il rudement.

Ursus fut ébahi et se borna à répondre :

— Le roucoulement est pour les jeunes et le gémissement pour les vieux. Hélas ! je gémis.

Éaque répliqua :

— Soyez averti de ceci : si un malade est soigné par vous, et s’il meurt, vous serez puni de mort.

Ursus hasarda une question.

— Et s’il guérit ?

— En ce cas-là, répondit le docteur, adoucissant sa voix, vous serez puni de mort.

— C’est peu varié, dit Ursus.

Le docteur reprit :

— S’il y a mort, on punit l’ânerie. S’il y a guérison, on punit l’outrecuidance. La potence dans les deux cas.

— J’ignorais ce détail, murmura Ursus. Je vous remercie de me renseigner. On ne connaît pas toutes les beautés des législations.

— Prenez garde à vous.

— Religieusement, dit Ursus.

— Nous savons ce que vous faites.

— Moi, pensa Ursus, je ne le sais pas toujours.

— Nous pourrions vous envoyer en prison.

— Je l’entrevois, messeigneurs.

— Vous ne pouvez nier vos contraventions et vos empiétements.

— Ma philosophie demande pardon.