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NOTES DE L’ÉDITEUR.

Le 11 juillet, Victor Hugo dut s’occuper de ses préparatifs de départ. On lit dans ses carnets :

Je compte partir pour Bruxelles par Londres demain lundi 15. Je laisse entre les mains de Julie[1], qui le gardera sous clé, un rouleau ficelé contenant :
1° Le manuscrit de mon roman commencé : l’H.q. R.[2] (2 chapitres préliminaires, 1re partie : trois livres ; 2e partie : 2 livres inachevés).
J’en emporte la copie faite par Julie.
2° Le manuscrit de Mangeront-ils ? comédie. J’en emporte la copie.
3° Le dossier des notes de travail pour l’H.q. R.
4° La copie de mon Archipel de la Manche.
5° Un dossier contenant des choses commencées (dont Margarita).

Le 18 août, Victor Hugo partait avec sa famille, à 10 h. 45, pour Anvers et de là pour la Zélande. Charles Hugo raconta ce voyage avec beaucoup de verve dans la Liberté sous le pseudonyme de Paul de la Miltière.

Le poète revenait à Bruxelles dans la seconde quinzaine de septembre, et le 17 il causait avec Lacroix d’un projet de livre qui n’a pas été réalisé : le monde, l’homme, le peuple, encyclopédie du dix-neuvième siècle, en trois volumes. En octobre il rentrait à Guernesey, mais il ne reprenait pas son travail interrompu depuis le 10 juillet.

Des événements se produisaient en Italie : Garibaldi tentait de s’emparer de la ville de Rome pour la rendre à l’Italie ; le 26 octobre, après avoir remporté un premier succès contre les troupes pontificales, il fut battu, le 4 novembre, à Mentana, par une partie du corps expéditionnaire français, puis interné dans le fort de Varignano près de la Spezia et renvoyé à la fin de novembre à Caprera, brisé par la maladie.

Victor Hugo écrivit en trois jours (16, 17, 18 novembre) son poème de protestation : Mentana (la Voix de Guernesey), qui fut traduit aussitôt dans toutes les langues de l’Europe.

La réponse de l’empire ne se fit pas attendre. Les représentations d’Hernani furent suspendues, et quinze jours après la reprise de Ruy Blas fut interdite à l’Odéon.

Victor Hugo était préparé à ces sortes d’aventures. Il se remit à son roman.

Les cinq premiers mois de l’année 1868 furent particulièrement laborieux. Il avait écrit à la fin de mai les sept premiers livres de la seconde partie.

Chemin faisant, il inscrivait sur des chemises des titres : le premier semble avoir été Lord Clancharlie, puis Par ordre du Roi (titre provisoire : l’Homme qui Rit). Sur une chemise on lit :

GWYNPLAINE
(autre titre possible)
pair d’angleterre
.

En mai, l’œuvre étant assez avancée, il songeait à la préface : il multipliait les notes sans plan bien arrêté ; mais c’était toujours la même idée qui le hantait, et, dans toutes ses improvisations, une phrase, qu’il avait écrite sur une feuille de papier pliée en deux, revenait sans cesse :

PRÉFACE (possible)
de gwynplaine.
J’ai senti le besoin d’affirmer l’âme
.

v.h.

Sa profession de foi spiritualiste ne ressortait-elle donc pas avec éclat de l’œuvre tout entière ? que lui emportait ? Il craignait avant tout de n’être pas suffisamment compris, ou tout au moins il ne voulait laisser planer sur ses intentions

  1. Mme Chenay, sœur de Mme Victor Hugo.
  2. L’Homme qui Rit.