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NOTES DE L’ÉDITEUR.

Sur une feuille de papier gris d’emballage pliée en quatre on lit :

MANUSCRIT
de
L’H. Q. R.
J’emporte
la copie
à Bruxelles.
Le dénouement
me reste à faire.


________________1er  juillet 1868

Et sur une grande feuille bleue couverte de notes jetées en tous sens ces mots en travers :

(à réserver)
DISCOURS
à La ch. des l.[1]
dénouement.

En effet, quelques jours après son arrivée, le 1er  août, Victor Hugo travaillait au dénouement, place des Barricades, 4, à Bruxelles. Il écrivait la conclusion : le Paradis retrouvé ici-bas. Le 16 août, dans ce dernier chapitre, il montrait, sur le bateau qui l’emportait avec Ursus, Dea brûlée par la fièvre, agitée par le délire, appelant Gwynplaine, l’absent, le bien-aimé, et chantant :

Nuit, va t’en
L’aube chante.

Et la voix de Gwynplaine répondait

Oh ! viens ! aime !
Tu es âme
Je suis cœur

À ce moment l’absent revenait, le second petit Georges naissait. Victor Hugo était heureux : dans son roman et dans sa vie, c’était bien le Paradis retrouvé ici-bas. L’aimé renaissait ; il était rené, renatus, comme Victor Hugo disait, René, le second nom qu’il aurait voulu donner à son petit Georges.

Le roman était achevé le 23 août 1868. Il avait été commencé le 21 juillet 1866. Il portait le titre : Par ordre du roi (titre provisoire : l’Homme qui Rit) ; le titre Par ordre du roi fut rejeté finalement à la seconde partie.

Le 25 août, Mme  Victor Hugo était frappée d’une attaque d’apoplexie et rendait le dernier soupir le 27.

En une semaine : une naissance, une mort, et, par un contraste poignant, un livre qui venait d’être terminé, intitulé : l’Homme qui Rit.

La mort de Mme  Victor Hugo avait été aussi rapide qu’imprévue.

Une belle et noble figure disparaissait.

Comme dans toutes les circonstances dramatiques de sa vie, Victor Hugo avait choisi ses carnets comme confidents et dépositaires de ses sentiments :

Dieu recevra cette douce et grande âme, je la lui rends. Qu’elle soit bénie. .........................

J’ai semé des fleurs sur tout le corps et j’en ai rempli le cercueil, puis je l’ai baisée au front et je lui ai dit tout bas : Sois bénie, et je suis resté à genoux près d’elle.

Mme  Victor Hugo avait exprimé la volonté d’être enterrée à Villequier auprès de sa fille Léopoldine. Victor Hugo, exilé, conduisit jusqu’à la frontière le cercueil que Paul Meurice et Auguste Vacquerie accompagnèrent ensuite jusqu’à Villequier.

Le poète resta à Bruxelles pendant tout le mois de septembre ; il ne travaillait pas. Sa maison n’était ouverte qu’à quelques amis intimes ; Lacroix était venu lui faire signer le traité de l’Homme qui Rit et de diverses œuvres inédites ; il le pria de revenir plus tard ; le soir, Victor Hugo faisait à sa famille quelques lectures de poésies récentes qui devaient être publiées

  1. Chambre des lords