Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous les jours dans votre palais des comédies, des théâtres, des estrades pleines de musiciens. Pardieu, madame, moins de joie chez vous, s’il vous plaît, et moins de deuil chez nous. Moins de baladins ici, et moins de bourreaux là. Moins de tréteaux à Westminster, et moins d’échafauds à Tyburn !

LORD MONTAGU.

Prenez garde. Nous sommes loyaux sujets, mylord Clinton. Rien sur la reine, tout sur Fabiani.

SIMON RENARD, posant la main sur l’épaule de lord Clinton.

Patience !

LORD CLINTON.

Patience ! cela vous est facile à dire, à vous, monsieur Simon Renard. Vous êtes bailli d’Amont en Franche-Comté, sujet de l’empereur et son légat à Londres. Vous représentez ici le prince d’Espagne, futur mari de la reine. Votre personne est sacrée pour le favori. Mais nous, c’est autre chose. — Voyez-vous ? Fabiani, pour vous, c’est le berger ; pour nous, c’est le boucher.

La nuit est tout à fait tombée.
SIMON BENARD.

Cet homme ne me gêne pas moins que vous. Vous ne craignez que pour votre vie, je crains pour mon crédit, moi. C’est bien plus. Je ne parle pas, j’agis. J’ai moins de colère que vous, mylord, j’ai plus de haine. Je détruirai le favori.

LORD MONTAGU.

Oh ! comment faire ? j’y songe tout le jour.

SIMON RENARD.

Ce n’est pas le jour que se font et se défont les favoris des reines, c’est la nuit.

LORD CHANDOS.

Celle-ci est bien noire et bien affreuse !

SIMON RENARD.

Je la trouve belle pour ce que j’en veux faire.

LORD CHANDOS.

Qu’en voulez-vous faire ?

SIMON RENARD.

Vous verrez. — Mylord Chandos, quand une femme règne, le caprice règne. Alors la politique n’est plus chose de calcul, mais de hasard. On ne