Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/514

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Régnons, nous sommes braves,
Par le fer, par le feu.
— Nargue à Satan, burgraves!
Burgraves, nargue à Dieu!

Trompettes et clairons.


Guanhumara.
Les princes sont joyeux. Le festin dure encore.
Elle regarde de l'autre côté du théâtre.
Les captifs sous le fouet travaillent dès l'aurore.
Elle écoute.
Là, le bruit de l'orgie; ici, le bruit des fers.
Elle fixe son regard sur la porte du donjon à droite.
Là, le père et l'aïeul, pensifs, chargés d'hivers,
De tout ce qu'ils ont fait cherchant la sombre trace,
Méditant sur leur vie ainsi que sur leur race,
Contemplent, seuls, et loin des rires triomphants,
Leurs forfaits, moins hideux encor que leurs enfants.
Dans leurs prospérités, jusqu'à ce jour entières,
Ces burgraves sont grands. Les marquis des frontières,
Les comtes souverains, les ducs fils des rois goths,
Se courbent devant eux jusqu'à leur être égaux;
Le burg, plein de clairons, de chansons, de huées,
Se dresse inaccessible au milieu des nuées;
Mille soldats partout, bandits aux yeux ardents,
Veillent l'arc et la lance au poing, l'épée aux dents.
Tout protège et défend cet antre inabordable.
Seule, en un coin désert du château formidable,
Femme et vieille, inconnue, et pliant le genou,
Triste, la chaîne au pied, et le carcan au cou,
En haillons et voilée, une esclave se traîne. —
Mais, ô princes, tremblez ! cette esclave est la haine !

Elle se retire au fond du théâtre et monte les degrés du promenoir. Entre par la galerie à droite une troupe d'esclaves enchaînés, quelques-uns ferrés deux à deux, et portant à la main des instruments de travail, pioches, pics, marteaux, etc. Guanhumara, appuyée à l'un des piliers du promenoir, les regarde d'un air pensif. Aux vêtements souillés et déchirés des prisonniers, on distingue encore leurs anciennes professions.