Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/534

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Ecoute-moi.

Guanhumara
. Tu vas me demander encore
Ton pays? ta famille? — Eh bien! si je l'ignore —
Si ton nom est Otbert? si ton nom est Yorghi ?
Pourquoi dans mon exil ton enfance a langui?
Si c'est au pays corse, ou bien en Moldavie,
Qu'enfant je te trouvai, nu, seul, cherchant ta vie?
Pourquoi dans ce château je t'ai dit de venir?
Pourquoi moi-même à toi j'ose m'y réunir,
En te disant pourtant de ne pas me connaître?
Pourquoi, bien que Régine ait fléchi notre maître,
Je garde au cou ma chaîne, et d'où vient qu'en tout lieu,
En tout temps, comme on fait pour accomplir un vœu,
Montrant son pied.
J'ai porté cet anneau que tu me vois encore ?
Enfin si je suis Corse, ou Slave, ou Juive, ou Maure?
Je ne veux pas répondre et je ne dirai rien.
Livre-moi, si tu veux. Mais non, je le sais bien,
Tu ne trahiras pas, quoique nourrice amére,
Celle qui t'a nourri, qui t'a servi de mère.
Et puis la mort n'a rien qui puisse me troubler.
Elle veut passer outre. Il la retient.

Otbert.
Mais ce n'est pas de moi que je veux te parler.
Dis-moi, toi qui sais tout, Régina...

Guanhumara.
Sera morte
Avant un mois.
Elle veut s'éloigner. Il l'arrête encore.

Otbert.
Peux-tu la sauver?

Guanhumara.
Que m'importe!
Rêvant et se parlant à elle-même.
Oui, quand j'étais dans l'Inde, au fond des bois j'errais,
J'allais, étudiant, dans la nuit des forêts,
Blême, effrayante