Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/537

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Tu frémis! va-t'en donc, cœur faible, bras débile!
Je ne te parle pas, mais laisse-moi tranquille!

Otbert, pâle et baissant la voix.
Qu'exigerais-tu donc de moi?

Guanhumara.
Reste innocent.
Va-t'en !

Otbert.
Pour la sauver je donnerais mon sang.

Guanhumara.
Va-t'en !

Otbert.
Je commettrais un crime. Es-tu contente?

Guanhumara.
Il me tente, démons ! vous voyez qu'il me tente.
Eh bien ! je le saisis ! — Tu vas m'appartenir.
Ne perds pas désormais, quoi qu'il puisse advenir,
Ton temps à me prier. Mon âme est pleine d'ombre ;
La prière se perd dans sa profondeur sombre.
Je te l'ai dit, je suis sans pitié, sans remord,
A moins de voir vivant celui que j'ai vu mort,
Donato que j'aimais! — Et maintenant, écoute,
Je t'avertis au seuil de cette affreuse route,
Une dernière fois. Je te dis tout. — Il faut
Tuer quelqu'un, tuer comme sur l'échafaud,
Ici, qui je voudrai, quand je voudrai, sans grâce,
Sans pardon ! — Vois !

Otbert.
Poursuis.

Guanhumara.
Chaque souffle qui passe
Pousse ta Régina vers la tombe. Sans moi
Elle est morte. Je puis seule la sauver. Voi
Ce flacon. Chaque soir qu'elle en boive une goutte,
Elle vivra.

Otbert.
Grand Dieu! dis-tu vrai? donne!

Guanhumara.