Mon Dieu! Vous voilà délivrés. Personne ne se doute
Que vous êtes ici, j'ai pris une autre route
Que la route ordinaire et nul ne m'a suivi,
J'ai renvoyé les gens dont je m'étais servi,
Mais rien n'est fait encore, et je tremble. Il faut vite
Des habits, des chevaux, partir, prendre la fuite.
Nous n'avons que jusqu'à demain pour y songer.
Regardant les allées solitaires du parc.
Oh! j'ai bien refermé la porte. Nul danger.
Le roi seul peut entrer. Mais il est absent.
A Don Sanche.
Prince, Madame, fiez-vous à moi.
Pour que j'en vinsse
A vous tirer de là, tout ce qu'il a fallu
De peine est effrayant,- mais je suis résolu,
Et devant le péril je sens ma force croître,
J'ai dévoué ma vie à vous deux. Hors du cloître.
C'est le premier pas; hors d'Espagne est le second.
Hélas! je ne suis point d'un esprit infécond,
Mais comment ferons-nous pour passer la frontière?
Torquemada se dresse et tient l'Espagne entière,
Et de l'abaissement du roi fait sa hauteur.
J'ai forcé deux couvents. Le grand inquisiteur
Va me poursuivre. Ici rien ne nous trouble encore.
Mais il nous faut un autre asile avant l'aurore.
Le roi peut survenir. Ah! que faire? Où trouver
Quelqu'un qui vous abrite et veuille vous sauver?
Il faudrait pour cela quelque moine. Les prêtres
Sont tout-puissants. Je vais chercher. Mais ils sont traîtres.
Parfois un prêtre vend ceux qui l'ont acheté.
Oh! que je vous voudrais en France en sûreté!
J'ai de plus un souci que je ne puis vous taire,
C'est que ce parc secret, bien que' fort solitaire,
Est voisin des palais du saint-office, au point
Que sa muraille au mur des prisons se rejoint.
Je vous quitte un instant. Fuir ou mourir ensemble?
Oui! - Je vais vous chercher un refuge. Ah! je tremble.
C'est égal, vous voilà vivants. Soyez bénis.
Ah! nous vous devons tout!