Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome IV.djvu/76

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Vivre, ce serait fort ennuyeux, si c'était

Ce que vous dites.

Il avance, croise les bras, et les regarde en face.

Dieu -s'il existe, il se tait,-

Certes, en faisant l'homme, a fait un sot chef-d'oeuvre.

Mais la progression du ver à la couleuvre,

Du serpent au dragon, du dragon à Satan,

C'est beau.

Il fait un pas vers Torquemada.

Torquemada, je te connais. Va-t'en.

Retourne en ton pays. J'ai reçu ta demande.

Je te l'accorde. Va, fils. Ton idée est grande. J'en ris.

Rentre en Espagne et fais ce que tu veux.

Je donne tous les biens des juifs à mes neveux ".

Fils, vous vous demandiez pourquoi l'homme est sur terre.

Moi, je vais en deux mots le dire. A quoi bon taire

La vérité? Jouir, c'est vivre. Amis, je vois

Hors de ce monde rien, et dans ce monde moi.

Chacun voit un mot luire à travers tous les prismes.

A François de Paule.

Toi, c'est prier; moi, c'est jouir.

Torquemada


, regardant alternativement François de Paule et le chasseur.

Deux égoïsmes.

Torquemada


Le hasard a pétri la cendre avec l'instant;

Cet amalgame est l'homme. Or, moi-même n'étant

Comme vous que matière, ah! je serais stupide

D'être hésitant et lourd quand la joie est rapide,

De ne point mordre en hâte au plaisir dans la nuit,

Et de ne pas goûter de tout, puisque tout fuit!

Avant tout, être heureux. Je prends à mon service

Ce qu'on appelle crime et ce qu'on nomme vice.

L'inceste, préjugé. Le meurtre, expédient.

J'honore le scrupule en le congédiant.

Est-ce que vous croyez que, si ma fille est belle,

Je me gênerai, moi, pour être amoureux d'elle?