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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

Grincer des dents devant deux enfants amoureux,
Est-ce assez bête !

Il recommence l’appel de sa sarbacane. Paraît en dehors du parapet le connétable de l’île.
Est-ce assez bête ! Or çà, monsieur le connétable,

C’est ici que du roi vous dresserez la table.
Sa Grâce y veut manger.

Le connétable salue et sort.
Sa Grâce y veut manger. C’est un endroit charmant.

Avec deux affamés pour assaisonnement.
Sentir autrui souffrir, cela complète un rêve.
Il aura bien meilleur appétit si l’on crève
De faim auprès de lui.

De faim auprès de lui. Considérant le cloître.

De faim auprès de lui. Quel endroit langoureux !
Je ne suis pas pour lui, je ne suis pas pour eux ;
Je regarde. Le sort, fil obscur, se dévide.
Eux ils s’adoreront, pâles, l’estomac vide ;
Et lui se vengera des baisers en mangeant.
La volonté des rois soit faite ! En y songeant,
Je ris de ce réseau bizarre de caprices,
Crible à travers lequel ne passent que les vices.
Sans me risquer à rien vouloir ni souhaiter,
Je ne haïrais pas de voir se refléter,
Pour le plaisir des gens qui sont là, pour le nôtre,
Le supplice de l’un sur la face de l’autre,
Eux épris, lui gavé, s’enviant tour à tour,
Eux Tantales de faim, lui Tantale d’amour !
Ce ne serait point mal comme spectacle.

Ce ne serait point mal comme spectacle. Il écoute.

Ce ne serait point mal comme spectacle. Il semble
Qu’un bruit perce à travers cette forêt qui tremble,
C’est peut-être le roi qui m’appelle.

Il sort par où il est entré.
On voit la tête d’Aïrolo surgir au-dessus du parapet, puis son buste. Il escalade le mur péniblement. Il porte un fardeau. C’est une femme évanouie, c’est Zineb.