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MANGERONT-ILS ?

Ce qu’elle lit pour moi lorsque j’étais petit,
Je le rends à son ombre, et mon esprit retombe
Sans cesse à côté d’elle, et je berce sa tombe.
Dors, ma mère ! attends-moi, je me tuerai bientôt.

LE ROI, à part.

Mais cela ne fait pas mon affaire.

Mais cela ne fait pas mon affaire. Haut.

Mais cela ne fait pas mon affaire. Rustaud,
Maraud, croquant !

Maraud, croquant ! À part.

Maraud, croquant ! Mais non, pas d’injures. Le lâche !
Il faut que je le charme et non que je le fâche.

Haut.

Écoute. Le plaisir vient après la douleur.
Je suis un potentat.

AÏROLO.

Je suis un potentat. Moi, je suis un voleur.

LE ROI.

On peut s’entendre. Allons ! du calme.

AÏROLO.

On peut s’entendre. Allons ! du calme. Altesse, en somme.
Voir les mêmes humains toujours, cela m’assomme.

Il s’appuie familièrement sur l’épaule du roi.

Puisqu’ainsi nous voilà sous les chênes profonds
Tête à tête, moi gueux, vous roi, philosophons.
La vie est un bal triste où plus rien ne m’intrigue.
Dieu, l’avare qui fait semblant d’être prodigue,
Fait toujours resservir le même mois d’avril.
Je connais son décor. Vivre est bien puéril.
Nous avons les saisons, vous avez l’étiquette.
Partout la règle. Adam est bête. Ève est coquette.
Celui qui sait le mieux tirer parti des bois
A le bon lot. À bas les villes et les lois !
Si je n’étais voleur, je voudrais être singe.

Montrant les tombes.

Voyez ce cimetière et ces morts. Que de linge