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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

TITUTI.

Mon cher, les phrases sont des toiles d’araignée ;
Mais je ne me prends point à ces sornettes-là.
Quand le drame est manqué toujours on le siffla.
Ma curiosité sur terre est assouvie ;
Je prends ta clef, compère, et je siffle la vie.
Je m’ennuie. Est-ce clair ?

L’HOMME.

Je m’ennuie. Est-ce clair ? L’homme n’a pas le droit
De s’ennuyer.

TITUTI.

De s’ennuyer. Pardieu, c’est fort !

L’HOMME.

De s’ennuyer. Pardieu, c’est fort ! Le chêne croît,
L’eau coule, l’astre luit, l’agate et la sardoine
Rayonnent, le chevreuil court dans la folle avoine,
Le papillon, ailé comme on est immortel,
S’ouvre et se ferme ainsi qu’un livre sur l’autel ;
La bise chante un chant qui fait frissonner l’orme ;
L’océan monstrueux monte à la lune énorme ;
Malheur, malheur, malheur, sous les cieux irrités,
À qui dit : je m’ennuie, à ces immensités !

TITUTI.

Phrases !

L’HOMME.

Phrases ! Gloire à qui souffre et honte à qui s’ennuie !

TITUTI.

Bah !

L’HOMME

Bah ! L’homme devant Dieu sur son malheur s’appuie.
Le souffrant dit : Seigneur, j’ai traîné votre loi.
L’ennuyé, loup stupide, a marché dans son moi
Comme les bêtes vont et viennent dans leur cage.