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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

Est un sage ; l’oiseau nous salue en buvant ;
Les arbres pleins de pluie ont l’air d’aider le vent
Et semblent essuyer le ciel avec leur cime.
Oh ! je veux m’engloutir dans ce paisible abîme !

Rêvant.

Les arbres, dans leurs troncs et sous leur orteil noir,
Ont des trous pleins de mousse et d’herbe, et l’on croit voir
De petits dieux blottis dans tous ces petits antres.
Des cupidons frisés montrent partout leurs ventres.

S’enfonçant dans sa rêverie.

Pourquoi pas ? Je serais un homme primitif.
Ma grotte sombre aurait l’azur pour pendentif.
J’aurais une cahute en branchages couverte,
Et je savourerais, seul dans ma stalle verte,
Force partitions que m’exécuterait
Le vent musicien dans l’orchestre forêt.
Tapi dans l’ombre où l’hymne universel commence,
Je battrais la mesure à la nature immense.
À l’heure où, réveillant le pâtre et le faucheur,
L’aube sacrée emplit l’horizon de blancheur
Et des trous du taillis fait de claires fenêtres,
Marcher, vivre ! Être là quand chuchotent les êtres,
Les oiseaux, ces enfants, le chêne, cet aïeul !
Écouter, dans le jonc, l’épine et le glaïeul,
Les déesses jaser au fond des grottes noires,
Et rire et se jeter de l’eau dans leurs baignoires !
Être de ceux à qui les nymphes se font voir !
Ciel ! rêver, quand l’étang offre aux nuits son miroir,
Quand le vent vient peigner les cheveux verts du saule,
Et voir sortir de l’eau quelque ineffable épaule !
Contempler dans la source, à l’ombre des buissons,
De vagues nudités flottant sous les cressons !
Vivre dans les frissons et dans les dithyrambes !
Voir la naïade aux yeux d’astre laver ses jambes !
— Je suis fou. Mon esprit patauge en plein Chompré. —
Non, restons dans le vrai, dans l’herbe, dans le pré.
C’est assez d’être un loup, ne soyons pas un faune.
Appeler un lys Flore et voir Pan dans un aulne,
Croire entendre quelqu’un quand on parle à l’écho,
Empoisonner de dieux les champs, c’est rococo.
Le vrai suffit. Soyons un simple philosophe.
Quand Cybèle disait à l’homme enfant : Dodophe,
Lorsque l’humanité tétait son pouce, bon,