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L’ÉPÉE.

LE PAYSAN.

Les prêtres qui suivaient le duc, portant des cierges,
Riaient. Tous, ils riaient.

ALBOS.

Riaient. Tous, ils riaient. On t’a battu de verges,
Vieillard ! ô le plus saint des hommes ! Ces démons !
Frapper le mage à qui Dieu parle sur les monts !
Ah ! je n’étais pas là ! Je suis un misérable.
Un vil sceptre a touché l’apôtre vénérable !
On a dans les ruisseaux traîné ces vieux genoux,
Et tout ce qu’ils ont fait de prières pour nous !
Celui qui réchauffa jadis ma petite âme,
Le voilà sanglant, nu, meurtri du fouet infâme !
Il ne peut plus parler, la stupeur l’étouffant !
Ô mon bon vieux grand-père adoré ! mon enfant !

Il sanglote et embrasse les genoux de Prêtre-Pierre, immobile et comme pétrifié.

Ces prêtres qui riaient ! race au cœur de vipère !

Baisant les mains de Prêtre-Pierre.

Ô mains saintes !

LE PAYSAN.

Ô mains saintes ! Le peuple a hué.

ALBOS.

Ô mains saintes ! Le peuple a hué. Qui ?

LE PAYSAN.

Ô mains saintes ! Le peuple a hué. Qui ? Ton père.

ALBOS, sanglotant.

Ah ! l’homme est un aveugle imbécile et dormant !
Pour lui montrer l’abîme il faut l’écroulement,
Et pour qu’il voie enfin l’honneur et la justice.
Il faut que le soufflet de l’ombre l’avertisse !

Il se dresse.

Abominable duc ! prince abject ! affreux roi !
Oh ! qui fera sur lui tomber la foudre ?