Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome VI.djvu/384

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Ah ! vous ne comprenez pas ? Eh bien, je comprends, moi. Ah ! vous ne devinez pas ? Eh bien, je devine, moi. — Monsieur le banquier, je vais vous dire ce qu’a fait ce garçon, — donnez-moi la main, mon ami.

Il saisit et secoue la main d’Edgar.

Voici ce qu’il a fait. Votre famille, à vous, était dans la misère, votre femme, votre fille, étaient sans pain à côté de vos quinze millions, votre femme, vous-dis-je, votre fille, étaient dans les griffes… — pardon, soyons parlementaire, dans les pattes de monsieur. Il les tenait. Il les tenaillait. Il convoitait votre fille pour maîtresse. J’y étais. J’ai vu.

LE BARON DE PUENCARRAL.

Rousseline !

GLAPIEU.

Fiez-vous à moi. Un monstre.

ÉTIENNETTE.

Oui.

CYPRIENNE.

Oui !

GLAPIEU.

J’ai vu cet intérieur. C’était une chambre de torture. Oui, j’assistais à l’agonie. Les huissiers. Une saisie. Un vieillard mourant, une mère outragée, madame, une jeune fille marchandée, mademoiselle. J’abrège. C’était terrible. Ce jeune homme, Edgar, s’est trouvé là , envoyé à la Banque par vous, qui ignoriez ce qui se passait, envoyé au milieu de cette détresse par la providence qui savait ce qu’elle faisait. Dans le moment même où, vous, aveugle, persécutiez les vôtres, ce jeune homme, avec la clairvoyance de l’amour, les sauvait. Il avait dans sa main une miette de vos millions. Une miette suffit. — Oh ! la miette de l’oiseau ! la miette du bon Dieu ! que n’ai-je toujours eu cette miette ! — Avec ces quelques liards à vous, il a sauvé votre femme et votre enfant. Il a payé l’huissier. Votre huissier. C’est à cela qu’il a employé vos quatre mille francs. Allons, tous ! dans les bras les uns des autres !

Montrant Étiennette.

Voilà votre femme.

Montrant Cyprienne.

Et voici la sienne.

CYPRIENNE.

Je l’aime, mon père !