Page:Hugo - Actes et paroles - volume 1.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
NOTES. — CONSEIL D’ÉTAT.

s’il blâme deux fois, il y a lieu à la suspension de la pièce et à une amende considérable, qui peut, si elle est infligée à un auteur, être prélevée sur les droits d’auteur recueillis par les agents de la société.

Si un auteur est blâmé trois fois, il y a lieu à le rayer de la liste des associés. Cette radiation est une peine très grave ; elle n’atteint pas seulement l’auteur dans son honneur, elle l’atteint dans sa fortune, elle implique pour lui la privation à peu près complète de ses droits de province.

Maintenant, croyez-vous qu’un auteur aille trois fois devant le jury dramatique ? Pour moi, je ne le crois pas. Tout auteur traduit devant le jury se défendra ; s’il est blâmé, il sera profondément affecté par ce blâme, et, soyez tranquilles, je connais l’esprit de cette excellente et utile association, vous n’aurez pas de récidives.

Vous aurez donc ainsi, dans le sein de l’association dramatique elle-même, les gardiens les plus vigilants de l’intérêt public.

C’est la seule manière possible d’organiser la censure répressive. De cette manière vous conciliez les deux choses qui font tout le problème, l’intérêt de la société et l’intérêt de la liberté.

M. le conseiller Béhic. — Mais il y a des auteurs qui ne font pas partie de l’association ?

M. Victor Hugo. — Il y en a, tout au plus, douze ou quinze ; si l’association était reconnue et patronnée par l’état, il n’y en aurait plus.

M. le conseiller Béhic. — Mais si, par impossible, un auteur persistait à se tenir en dehors de la société, ou si un auteur blâmé trois fois, et, par conséquent, exclu de la société, continuait à écrire pour le théâtre, votre système répressif ne pourrait s’appliquer. Faudrait-il empêcher ces hommes de faire jouer leurs pièces ?

M. Victor Hugo. — Je n’irais pas jusque-là, mais dans ces cas qui seront bien rares, je laisserais la répression aux tribunaux ordinaires, à la cour d’assises. Dura lex, sed lex. Tant pis pour les réfractaires.

M. le président. — Comment entendez-vous l’organisation de votre société ?

M. Victor Hugo. — On est reçu avocat après avoir rempli certaines conditions. Une fois avocat, on peut commettre des délits professionnels assez graves, on peut se rendre, par exemple, coupable de diffamation dans une plaidoirie, cela n’arrive même que trop souvent. Pour les délits professionnels, un avocat n’est justiciable que du conseil de l’ordre. Pourquoi n’établirait-on pas