Page:Hugo - Actes et paroles - volume 2.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

il fait les affaires de la contre-façon ; il ôte à nos ouvriers leur pain et il le jette aux ouvriers étrangers. (Sensation profonde.)

Je continue.

Ce projet, tout empreint de certaines rancunes, timbre toutes les pièces de théâtre sans exception, Corneille aussi bien que Molière. Il se venge du Tartuffe sur Polyeucte. (Rires et applaudissements.)

Oui, remarquez-le bien, j’y insiste, il n’est pas moins hostile à la production littéraire qu’à la polémique politique, et c’est là ce qui lui donne son cachet de loi cléricale. Il poursuit le théâtre autant que le journal, et il voudrait briser dans la main de Beaumarchais le miroir où Basile s’est reconnu. (Bravos à gauche.)

Je poursuis.

Il n’est pas moins maladroit que malfaisant. Il supprime d’un coup, à Paris seulement, environ trois cents recueils spéciaux, inoffensifs et utiles, qui poussaient les esprits vers les études sereines et calmantes. (C’est vrai ! c’est vrai !)

Enfin, ce qui complète et couronne tous ces actes de lèse-civilisation, il rend impossible cette presse populaire des petits livres, qui est le pain à bon marché des intelligences. (Bravo ! à gauche. — À droite : Plus de petits livres ! tant mieux ! tant mieux !)

En revanche, il crée un privilège de circulation au profit de cette misérable coterie ultramontaine à laquelle est livrée désormais l’instruction publique. (Oui ! oui !) Montesquieu sera entravé, mais le père Loriquet sera libre.

Messieurs, la haine pour l’intelligence, c’est là le fond de ce projet. Il se crispe, comme une main d’enfant en colère, sur quoi ? Sur la pensée du publiciste, sur la pensée du philosophe, sur la pensée du poëte, sur le génie de la France. (Bravo ! bravo !)

Ainsi, la pensée et la presse opprimées sous toutes les formes, le journal traqué, le livre persécuté, le théâtre suspect, la littérature suspecte, les talents suspects, la plume brisée entre les doigts de l’écrivain, la librairie tuée, dix ou douze grandes industries nationales détruites, la France sacrifiée à l’étranger, la contrefaçon belge proté-