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LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

Le mouvement au dix-neuvième siècle, dans ce grand dix-neuvième siècle, n’est pas seulement le mouvement d’un peuple, c’est le mouvement de tous les peuples. La France va devant, et les nations la suivent. La providence nous dit : Allez ! et sait où nous allons.

Nous passons du vieux monde au monde nouveau. Ah ! nos gouvernants, ah ! ceux qui rêvent d’arrêter l’humanité dans sa marche et de barrer le chemin à la civilisation, ont-ils bien réfléchi à ce qu’ils font ? Se sont-ils rendu compte de la catastrophe qu’ils peuvent amener, de l’effroyable Fampoux[1] social qu’ils préparent, quand, au milieu du plus prodigieux mouvement d’idées qui ait encore emporté le genre humain, au moment où l’immense et majestueux convoi passe à toute vapeur, ils viennent furtivement, chétivement, misérablement mettre de pareilles lois dans les roues de la presse, cette formidable locomotive de la pensée universelle ! (Profonde émotion.)

Messieurs, croyez-moi, ne nous donnez pas le spectacle de la lutte des lois contre les idées. (Bravo ! à gauche. — Une voix à droite : Et ce discours coûtera 25 francs à la France !)

Et, à ce propos, comme il faut que vous connaissiez pleinement quelle est la force à laquelle s’attaque et se heurte le projet de loi, comme il faut que vous puissiez juger des chances de succès que peut avoir, dans ses entreprises contre la liberté, le parti de la peur, — car il y a en France et en Europe un parti de la peur (sensation), c’est lui qui inspire la politique de compression, et, quant à moi, je ne demande pas mieux que de n’avoir pas à le confondre avec le parti de l’ordre, — comme il faut que vous sachiez où l’on vous mène, à quel duel impossible on vous entraîne, et contre quel adversaire, permettez-moi un dernier mot.

Messieurs, dans la crise que nous traversons, crise salutaire, après tout, et qui se dénouera bien, c’est ma conviction, on s’écrie de tous les côtés : Le désordre moral est immense, le péril social est imminent.

  1. On se rappelle la catastrophe de chemin de fer à Fampoux.