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LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION.

bardie, sur Milan, sur Venise ; la Sicile livrée aux fusillades ; l’espoir des nationalités dans la France détruit ; le lien intime des peuples rompu ; partout le droit foulé aux pieds, au nord comme au midi, à Cassel comme à Palerme ; une coalition de rois latente et qui n’attend que l’occasion ; notre diplomatie muette, je ne veux pas dire complice ; quelqu’un qui est toujours lâche devant quelqu’un qui est toujours insolent ; la Turquie laissée sans appui contre le czar et forcée d’abandonner les proscrits ; Kossuth, agonisant dans un cachot de l’Asie Mineure ; voilà où nous en sommes ! La France baisse la tête, Napoléon tressaille de honte dans sa tombe, et cinq ou six mille coquins crient : Vive l’empereur ! Est-ce tout cela que vous appelez votre gloire, par hasard ? (Profonde agitation.)

M. de Ladevensaye. — C’est la république qui nous a donné tout cela !

M. le président. — C’est aussi au gouvernement de la république qu’on reproche tout cela !

M. Victor Hugo. — Maintenant, votre empire, causons-en, je le veux bien. (Rires à gauche.)

M. Vieillard[1]. — Personne n’y songe, vous le savez bien.

M. Victor Hugo. — Messieurs, des murmures tant que vous voudrez, mais pas d’équivoques. On me crie : Personne ne songe à l’empire. J’ai pour habitude d’arracher les masques.

Personne ne songe à l’empire, dites-vous ? Que signifient donc ces cris payés de : Vive l’empereur ? Une simple question : Qui les paye ?

Personne ne songe à l’empire, vous venez de l’entendre ! Que signifient donc ces paroles du général Changarnier, ces allusions aux prétoriens en débauche applaudies par vous ? Que signifient ces paroles de M. Thiers, également applaudies par vous : L’empire est fait ?

Que signifie ce pétitionnement ridicule et mendié pour la prolongation des pouvoirs ?

Qu’est-ce que la prolongation, s’il vous plaît ? C’est le consulat à vie. Où mène le consulat à vie ? À l’empire !

  1. Sénateur, sous l’empire, à 30, 000 francs par an.