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AVANT L’EXIL. — COUR D’ASSISES.

Oui, je le déclare, ce reste des pénalités sauvages, cette vieille et inintelligente loi du talion, cette loi du sang pour le sang, je l’ai combattue toute ma vie, — toute ma vie, messieurs les jurés ! — et, tant qu’il me restera un souffle dans la poitrine, je la combattrai de tous mes efforts comme écrivain, de tous mes actes et de tous mes votes comme législateur, je le déclare (M. Victor Hugo étend le bras et montre le christ qui est au fond de la salle, au-dessus du tribunal) devant cette victime de la peine de mort qui est là, qui nous regarde et qui nous entend ! Je le jure devant ce gibet où, il y a deux mille ans, pour l’éternel enseignement des générations, la loi humaine a cloué la loi divine ! (Profonde et inexprimable émotion.)

Ce que mon fils a écrit, il l’a écrit, je le répète, parce que je le lui ai inspiré dès l’enfance, parce qu’en même temps qu’il est mon fils selon le sang, il est mon fils selon l’esprit, parce qu’il veut continuer la tradition de son père. Continuer la tradition de son père ! Voilà un étrange délit, et pour lequel j’admire qu’on soit poursuivi ! Il était réservé aux défenseurs exclusifs de la famille de nous faire voir cette nouveauté ! (On rit.)

Messieurs, j’avoue que l’accusation en présence de laquelle nous sommes me confond.

Comment ! une loi serait funeste, elle donnerait à la foule des spectacles immoraux, dangereux, dégradants, féroces, elle tendrait à rendre le peuple cruel, à de certains jours elle aurait des effets horribles, — et les effets horribles que produirait cette loi, il serait interdit de les signaler ! et cela s’appellerait lui manquer de respect ! et l’on en serait comptable devant la justice ! il y aurait tant d’amende et tant de prison ! Mais alors, c’est bien ! fermons la chambre, fermons les écoles, il n’y a plus de progrès possibles, appelons-nous le Mogol ou le Thibet, nous ne sommes plus une nation civilisée ! Oui, ce sera plus tôt fait, dites-nous que nous sommes en Asie, qu’il y a eu autrefois un pays qu’on appelait la France, mais que ce pays-là n’existe plus, et que vous l’avez remplacé par quelque chose qui n’est plus la monarchie, j’en conviens, mais qui n’est certes pas la république ! (Nouveaux rires.)

M. le président. — Je renouvelle mon observation. Je