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LES PROCÈS DE L’ÉVÉNEMENT.

Oui, pardonnons nos griefs personnels, pardonnons le mal qu’on nous fait ou qu’on veut nous faire. — Pour ce qui est des autres griefs, pour ce qui est du mal qu’on fait à la république, pour ce qui est du mal qu’on fait au peuple, oh ! cela, c’est différent : je ne me sens pas le droit de le pardonner. Je souhaite, sans l’espérer, que personne n’ait de compte à rendre, que personne n’ait de châtiment à subir dans un avenir prochain.

Pourtant, mon ami, quel bonheur, si, par un de ces dénouements inattendus qui sont toujours dans les mains de la providence et qui désarment subitement les passions coupables des uns et les légitimes colères des autres ; quel bonheur, si, par un de ces dénouements possibles, après tout, que l’abrogation de la loi du 31 mai permettrait d’entrevoir, nous pouvions arriver sûrement, doucement, tranquillement, sans secousse, sans convulsion, sans commotion, sans représailles, sans violences d’aucun côté, à ce magnifique avenir de paix et de concorde qui est là devant nous, à cet avenir inévitable où la patrie sera grande, où le peuple sera heureux, où la république française créera par son seul exemple la république européenne, où nous serons tous, sur cette bien-aimée terre de France, libres comme en Angleterre, égaux comme en Amérique, frères comme au ciel.

Victor Hugo.
18 septembre 1851