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LE 2 DÉCEMBRE 1851.

en est temps encore, revenez à la patrie, revenez à la république. Si vous persistiez, savez-vous ce que l’histoire dirait de vous ? Elle dirait : « Ils ont foulé aux pieds de leurs chevaux et écrasé sous les roues de leurs canons toutes les lois de leur pays ; eux, des soldats français, ils ont déshonoré l’anniversaire d’Austerlitz ; et, par leur faute, par leur crime, il dégoutte aujourd’hui du nom de Napoléon sur la France autant de honte qu’il en a autrefois découlé de gloire. »

Soldats français, cessez de prêter main-forte au crime !

Pour les représentants du peuple restés libres, le représentant membre du comité de résistance,

Victor Hugo.

Paris, 3 décembre.

« Cette proclamation… où brillent toutes les qualités du génie et du patriotisme, fut, à l’aide d’un papier bleu qui multipliait les copies, reproduite cinquante fois ; le lendemain elle était affichée dans les rues Charlot, de l’Homme-Armé, Rambuteau, et sur le boulevard du Temple.

« Cependant on est encore averti que la police a pris l’éveil ; à travers une nuit obscure, on se dirige vers la rue Popincourt, où les ateliers de Frédéric Cournet ouvriront un asile sûr.

«… Nos amis remplissent une salle vaste et nue ; il y a deux tabourets seulement ; Victor Hugo, qui va présider la réunion, en prend un, — l’autre est donné à Baudin, qui servira de secrétaire. Dans cette assemblée, on remarquait Guiter, Gindriez, Lamarque, Charamaule, Sartin, Arnaud de l’Ariége, Schœlcher, Xavier Durrieu et Kesler son collaborateur, etc., etc.

« Après un instant de confusion, qu’en pareille circonstance il est aisé de concevoir, plusieurs résolutions furent prises. On avait vu successivement arriver Michel (de Bourges), Esquiros, Aubry (du Nord), Bancel, Duputz, Madier de Montjau et Mathieu (de la Drôme) ; ce dernier ne fit qu’une courte apparition.

« Victor Hugo avait pris la parole et résumait les périls de la situation, les moyens de résistance et de combat.

« Tout à coup, un homme en blouse se présente, effaré.

« — Nous sommes perdus, s’écria-t-il ; du point d’observation où l’on m’a placé, j’ai vu se diriger vers nous une troupe nombreuse de soldats.

« — Qu’importe ! a répondu Cournet, en montrant des armes, la porte de ma maison est étroite ; dans le corridor deux hommes ne marcheraient pas de front ; nous sommes ici soixante résolus à mourir ; délibérez en paix. »

« À ce terrible épisode Victor Hugo emprunte un mouvement sublime. Les paroles de Victor Hugo ont été sténographiées, sur place, par un des assistants, et je puis les donner telles qu’il les prononça. Il s’écrie :

« Écoutez, rendez-vous bien compte de ce que vous faites.