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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

prouvé, ce talent merveilleux de faire des révolutions sans le voir, sans le vouloir et sans le savoir (nouvelle hilarité), en voulant faire autre chose ! (On rit. — Très bien ! très bien ! Vous nous dites : Soyez tranquilles ! Vous saisissez dans vos mains, sans vous douter de ce que cela pèse, la France, la société, le présent, l’avenir, la civilisation, et vous les laissez tomber sur le pavé par maladresse ! Vous faites la guerre à l’abîme en vous y jetant tête baissée ! (Long mouvement. — M. d’Hautpoul rit.)

Eh bien ! l’abîme ne s’ouvrira pas ! (Sensation.) Le peuple ne sortira pas de son calme ! Le peuple calme, c’est l’avenir sauvé. (Applaudissements à gauche. — Rumeurs à droite.)

L’intelligente et généreuse population parisienne sait cela, voyez-vous, et, je le dis sans comprendre que de telles paroles puissent éveiller des murmures, Paris offrira ce grand et instructif spectacle que si le gouvernement est révolutionnaire, le peuple sera conservateur. (Bravo ! bravo ! — Rires à droite.)

Il a à conserver, en effet, ce peuple, non-seulement l’avenir de la France, mais l’avenir de toutes les nations ! Il a à conserver le progrès humain dont la France est l’âme, la démocratie dont la France est le foyer, et ce travail magnifique que la France fait et qui, des hauteurs de la France, se répand sur le monde, la civilisation par la liberté ! (Explosion de bravos.) Oui, le peuple sait cela, et quoi qu’on fasse, je le répète, il ne remuera pas. Lui qui a la souveraineté, il saura aussi avoir la majesté. (Mouvement.) Il attendra, impassible, que son jour, que le jour infaillible, que le jour légal se lève ! Comme il le fait déjà depuis huit mois, aux provocations quelles qu’elles soient, aux agressions quelles qu’elles soient, il opposera la formidable tranquillité de la force, et il regardera, avec le sourire indigné et froid du dédain, vos pauvres petites lois, si furieuses et si faibles, défier l’esprit du siècle, défier le bon sens public, défier la démocratie, et enfoncer leurs malheureux petits ongles dans le granit du suffrage universel ! (Acclamation prolongée à gauche.)

Messieurs, un dernier mot. J’ai essayé de caractériser la