Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’épines qui faisaient saigner le front des vivants se changent en couronnes de lauriers et font rayonner le front des fantômes.

Citoyens, cinq nations sont ici représentées, la Pologne, la Hongrie, l’Allemagne, l’Italie et la France, cinq nations illustres devant le genre humain, aujourd’hui couchées dans la fosse.

Les hommes de despotisme en frémissent de joie. Leur joie a tort. Je ne me lasserai jamais de le redire, quoique assassinées, ces grandes nations ne sont pas mortes. Les tyrans, qui n’ont pas d’âme, ne savent pas que les peuples en ont une.

Quand les tyrans ont scellé sur un peuple la pierre du tombeau, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils croient avoir enfermé une nation dans la tombe, ils y ont enfermé une idée. Or, la tombe ne fait rien à qui ne meurt pas, et l’idée est immortelle. Citoyens, un peuple n’est pas une chair ; un peuple est une pensée ! Qu’est-ce que la Pologne ? c’est l’indépendance. Qu’est-ce que l’Allemagne ? c’est la vertu. Qu’est-ce que la Hongrie ? c’est l’héroïsme. Qu’est-ce que l’Italie ? c’est la gloire. Qu’est-ce que la France ? c’est la liberté. Citoyens, le jour où l’indépendance, la vertu, l’héroïsme, la gloire et la liberté mourront, ce jour-là, ce jour-là seulement, la Pologne, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie et la France seront mortes.

Ce jour-là, citoyens, l’âme du monde aurait disparu.

Or, l’âme du monde, c’est Dieu.

Citoyens, buvons à l’idée qui ne meurt pas ! buvons aux peuples qui ressuscitent !