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PENDANT L’EXIL. — 1867.

blique tient en son pouvoir son assassin, un empereur ; au moment de l’écraser, elle s’aperçoit que c’est un homme, elle le lâche et lui dit : Tu es du peuple comme les autres. Va !

Ce sera là, Juarez, votre deuxième victoire. La première, vaincre l’usurpation, est superbe ; la seconde, épargner l’usurpateur, sera sublime.

Oui, à ces rois dont les prisons regorgent, dont les échafauds sont rouillés de meurtres, à ces rois des gibets, des exils, des présides et des Sibéries, à ceux-ci qui ont la Pologne, à ceux-ci qui ont l’Irlande, à ceux-ci qui ont la Havane, à ceux-ci qui ont la Crète, à ces princes obéis par les juges, à ces juges obéis par les bourreaux, à ces bourreaux obéis par la mort, à ces empereurs qui font si aisément couper une tête d’homme, montrez comment on épargne une tête d’empereur !

Au-dessus de tous les codes monarchiques d’où tombent des gouttes de sang, ouvrez la loi de lumière, et, au milieu de la plus sainte page du livre suprême, qu’on voie le doigt de la République posé sur cet ordre de Dieu : Tu ne tueras point.

Ces quatre mots contiennent le devoir.

Le devoir, vous le ferez.

L’usurpateur sera sauvé, et le libérateur n’a pu l’être, hélas ! Il y a huit ans, le 2 décembre 1859, j’ai pris la parole au nom de la démocratie, et j’ai demandé aux États-Unis la vie de John Brown. Je ne l’ai pas obtenue. Aujourd’hui je demande au Mexique la vie de Maximilien. L’obtiendrai-je ?

Oui. Et peut-être à cette heure est-ce déjà fait.

Maximilien devra la vie à Juarez.

Et le châtiment ? dira-t-on.

Le châtiment, le voilà.

Maximilien vivra « par la grâce de la République ».

Victor Hugo.
Hauteville-House, 20 juin 1867.