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MENTANA.


France, on te déshonore, on te traîne, on te lie,
Et l’on te force à mettre au bagne l’Italie.
Voilà ce qu’on te fait, colosse en proie aux nains !
Un ruisseau fumant coule au flanc des Apennins.

II

Ô sinistre vieillard, te voilà responsable
Du vautour déterrant un crâne dans le sable,
Et du croassement lugubre des corbeaux !
Emplissez désormais ses visions, tombeaux,
Paysages hideux où rôdent les belettes,
Silhouettes d’oiseaux perchés sur des squelettes !
S’il dort, apparais-lui, champ de bataille noir !

Les canons sont tout chauds ; ils ont fait leur devoir ;
La mitraille invoquée a tenu sa promesse ;
C’est fait. Les morts sont morts. Maintenant dis ta messe.
Prends dans tes doigts l’hostie en t’essuyant un peu,
Car il ne faudrait pas mettre du sang à Dieu !
Du reste tout est bien. La France n’est pas fière ;
Le roi de Prusse a ri ; le denier de Saint-Pierre
Prospère, et l’Irlandais donne son dernier sou ;
Le peuple cède et met en terre le genou ;
De peur qu’on ne le fauche ; il plie, étant de l’herbe ;
On reprend Frosinone et l’on rentre à Viterbe ;
Le czar a commandé son service divin ;
Partout où quelque mort blêmit dans un ravin,
Le rat joyeux le ronge en tremblant qu’il ne bouge ;
Ici la terre est noire ; ici la plaine est rouge ;
Garibaldi n’est plus qu’un vain nom immortel ;
Comme Léonidas, comme Guillaume Tell ;
Le pape, à la Sixtine, au Gésu, chez les Carmes,
Met tous ses diamants ; tendre, il répand des larmes
De joie ; il est très doux ; il parle du succès
De ses armes ; du sang versé, des bons français,
Des quantités de plomb que la bombarde jette,