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PENDANT L’EXIL. — 1869.

morts, par le respect ; rappel du châtiment, par la justice ; rappel du passé, par l’histoire ; rappel de l’avenir, par la logique ; rappel des faits, par le courage ; rappel de l’idéal dans l’art, par la pensée ; rappel du progrès dans la science, par l’expérience et le calcul ; rappel de Dieu dans les religions, par l’élimination des idolâtries ; rappel de la loi à l’ordre, par l’abolition de la peine de mort ; rappel du peuple à la souveraineté, par le suffrage universel renseigné ; rappel de l’égalité, par l’enseignement gratuit et obligatoire ; rappel de la liberté, par le réveil de la France ; rappel de la lumière, par le cri : Fiat jus !

Vous dites : Voilà notre tâche ; moi je dis : Voilà votre œuvre.

Cette œuvre, vous l’avez déjà faite, soit comme journalistes, soit comme poëtes, dans le pamphlet, admirable mode de combat, dans le livre, au théâtre, partout, toujours ; vous l’avez faite, d’accord et de front avec tous les grands esprits de ce grand siècle. Aujourd’hui, vous la reprenez, ce journal au poing, le Rappel. Ce sera un journal lumineux et acéré ; tantôt épée, tantôt rayon. Vous allez combattre en riant. Moi, vieux et triste, j’applaudis.

Courage donc, et en avant ! Le rire, quelle puissance ! Vous allez prendre place, comme auxiliaires de toutes les bonnes volontés, dans l’étincelante légion parisienne des journaux du rire.

Je connais vos droitures comme je connais la mienne, et j’en ai en moi le miroir ; c’est pourquoi je sais d’avance votre itinéraire. Je ne le trace pas, je le constate. Être un guide n’est pas ma prétention ; je me contente d’être un témoin. D’ailleurs, je n’en sais pas bien long, et une fois que j’ai prononcé ce mot : devoir, j’ai à peu près dit tout ce que j’avais à dire.

Avant tout, vous serez fraternels. Vous donnerez l’exemple de la concorde. Aucune division dans nos rangs ne se fera par votre faute. Vous attendrez toujours le premier coup. Quand on m’interroge sur ce que j’ai dans l’âme, je réponds par ces deux mots : conciliation et réconciliation. Le premier de ces mots est pour les idées, le second est pour les hommes.

Le combat pour le progrès veut la concentration des