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PENDANT L’EXIL. — 1869.

un socialiste de l’avant-veille. Mon socialisme date de 1828. J’ai donc le droit d’en parler.

Le socialisme est vaste et non étroit. Il s’adresse à tout le problème humain. Il embrasse la conception sociale tout entière. En même temps qu’il pose l’importante question du travail et du salaire, il proclame l’inviolabilité de la vie humaine, l’abolition du meurtre sous toutes ses formes, la résorption de la pénalité par l’éducation, merveilleux problème résolu. (Très bien !) Il proclame l’enseignement gratuit et obligatoire. Il proclame le droit de la femme, cette égale de l’homme. (Bravos !) Il proclame le droit de l’enfant, cette responsabilité de l’homme. (Très bien ! — Applaudissements.) Il proclame enfin la souveraineté de l’individu, qui est identique à la liberté.

Qu’est-ce que tout cela ? C’est le socialisme. Oui. C’est aussi la république ! (Longs applaudissements.)

Citoyens, le socialisme affirme la vie, la république affirme le droit. L’un élève l’individu à la dignité d’homme, l’autre élève l’homme à la dignité de citoyen. Est-il un plus profond accord ?

Oui, nous sommes tous d’accord, nous ne voulons pas de césar, et je défends le socialisme calomnié !

Le jour où la question se poserait entre l’esclavage avec le bien-être, panem et circenses, d’un côté, et, de l’autre, la liberté avec la pauvreté, — pas un, ni dans les rangs républicains, ni dans les rangs socialistes, pas un n’hésiterait ! et tous, je le déclare, je l’affirme, j’en réponds, tous préféreraient au pain blanc de la servitude le pain noir de la liberté. (Bravos prolongés.)

Donc, ne laissons pas poindre et germer l’antagonisme. Serrons-nous donc, mes frères socialistes, mes frères républicains, serrons-nous étroitement autour de la justice et de la vérité, et faisons front à l’ennemi. (Oui, oui ! bravo !)

Qu’est l’ennemi ?

L’ennemi, c’est plus et moins qu’un homme. (Mouvement.) C’est un ensemble de faits hideux qui pèse sur le monde et qui le dévore. C’est un monstre aux mille griffes, quoique cela n’ait qu’une tête. L’ennemi, c’est cette incarnation sinistre du vieux crime militaire et monarchique, qui nous bâillonne et nous spolie, qui met la main sur nos