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DEPUIS L’EXIL. — 1879.

Le gouvernement proposa par contre une amnistie partielle.

Le projet de loi vint en discussion à la séance du 28 février.

Victor Hugo prit la parole :

J’occuperai cette tribune peu d’instants. Tout ce qui pouvait être dit pour ou contre l’amnistie a été dit. Je n’ajouterai rien. Je ne répéterai rien de ce que vous avez entendu.

Le pouvoir exécutif intervient cette fois, et il vous dit : La grâce dépend de moi, l’amnistie dépend de vous. Combinez ces deux solutions ; faites des catégories : ici les amnistiés ; là les commués ; au fond, les non graciés. La peine d’un côté, l’effacement de l’autre.

Messieurs, composez ainsi le pour et le contre ; vous verrez tous ces demi-pansements s’irriter, toutes ces plaies saigner, toutes ces douleurs gémir. La question se plaindra jusqu’à ce qu’elle revienne.

Si, au contraire, vous acceptez la grande solution, la solution vraie, l’amnistie totale, générale, sans réserve, sans condition, sans restriction, l’amnistie pleine et entière, alors la paix naîtra, et vous n’entendrez plus rien que le bruit immense et profond de la guerre civile qui se ferme. (Applaudissements.)

Les guerres civiles ne sont finies qu’apaisées.

En politique, oublier c’est la grande loi.

Un vent fatal a soufflé ; des malheureux ont été entraînés, vous les avez saisis, vous les avez punis. Il y a de cela huit ans.

La guerre civile est une faute. Qui l’a commise ? Tout le monde et personne. (Bruits à droite.) Sur une vaste faute, il faut un vaste oubli.

Ce vaste oubli, c’est l’amnistie.

Vous êtes un gouvernement nouveau, établissez-vous par des actes considérables. Faites voir aux vieux gouvernements comment vous montez pendant qu’ils descendent ; enseignez-leur l’art de sortir des précipices.