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DEPUIS L’EXIL. — 1884.

américaine ont été présentés à Victor Hugo, qui a trouvé pour tous un mot aimable et cordial. Et, tête nue devant tout ce monde, malgré le temps aigre, Victor Hugo a passé devant les ouvriers massés là et le saluant avec un touchant respect.

Devant la gigantesque statue de la Liberté, deux écussons aux étendards de France et d’Amérique portaient les noms de La Fayette et de Rochambeau. Victor Hugo regarde, contemple cette géante de cuivre et de fer, dit : C’est superbe ! et entre dans les ateliers. M. Bartholdi, sur les fragments demeurés là, lui explique la façon dont le cuivre a été battu, estampé, dans la seule usine qui pût mener à bien un tel travail.

Victor Hugo regarde le lumineux diorama de Lavastre, qui montre la Liberté éclairant le monde telle qu’elle sera dressée sur son piédestal, en face de Long-Island. Le spectateur est placé sur le pont d’un steamer, et, devant lui, a le panorama de New-York, de Brooklyn, de l’Hudson. C’est un petit chef-d’œuvre.

Au moment de quitter l’atelier, Bartholdi demande à Victor Hugo la permission de lui présenter « son vieux collaborateur », Simon.

Timidement perdu dans la foule, M. Simon, que son maître Bartholdi appelle, s’avance, très ému, devant Victor Hugo, qui lui tend la main :

— Ah ! monsieur Victor Hugo, je ne vous avais pas vu depuis l’atelier de David !

Victor Hugo sourit :

— Ah ! vous étiez de l’atelier de David ?

— Oui, monsieur, et je vous vois encore venir poser pour votre buste !

— David !… Un beau souvenir !

Derrière moi, le docteur Maximin Legrand raconte qu’il n’a pas vu, lui, Victor Hugo depuis l’enterrement de Chateaubriand.

Hugo est pour nous comme de l’histoire vivante.

Et voici Henri Cernuschi qui, lui, — chose incroyable ; — n’a jamais parlé à Victor Hugo. Bartholdi le nomme au poète, charmé.

Cernuschi, montrant la statue géante de la Liberté, dit à Victor Hugo de sa voix mâle :

— Je vois deux colosses qui s’entre-regardent.

Ce qui a surtout frappé Victor Hugo et ce qui frappera tout le monde, c’est l’intérieur de cette figure de quarante-six mètres de hauteur ; c’est en la regardant intérieurement qu’on se rend compte de sa taille, qui ne paraît pas écrasante parce que la statue est har-