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NOTES.

Et tu connus, ainsi que ton aïeul Orphée,
L’âpre exil, et ton chant ravit les noirs enfers.

Mais tu vis à présent dans la sereine gloire,
Calme, heureux, contemplé par le ciel souriant,
Ainsi qu’Homère assis sur son trône d’ivoire,
Rayonnant et les yeux tournés vers l’orient.

Et tu vois à tes pieds la fille de Pindare,
L’Ode qui vole et plane au fond des firmaments,
L’Épopée et l’éclair de son glaive barbare,
Et la Satire, aux yeux pleins de fiers châtiments ;

Et le Drame, charmeur de la foule pensive,
Qui, du peuple agitant et contenant les flots,
Sur tous les parias répand, comme une eau vive,
Sa plainte gémissante et ses amers sanglots.

Mais, ô consolateur de tous les misérables !
Tu détournes les yeux du crime châtié,
Pour ne plus voir que l’Ange aux larmes adorables
Qu’au ciel et sur la terre on nomme : la Pitié !

Ô Père ! s’envolant sur le divin Pégase
À travers l’infini sublime et radieux,
Ce génie effrayant, ta Pensée en extase,
A tout vu, le passé, les mystères, les Dieux ;

Elle a vu le charnier funèbre de l’Histoire,
Les sages poursuivant le but essentiel,
Et les démons forgeant dans leur caverne noire,
Les brasiers de l’aurore et les saphirs du ciel ;

Elle a vu les combats, les horreurs, les désastres,
Les exilés pleurant les paradis perdus,
Et les fouets acharnés sur le troupeau des astres ;
Et, lorsqu’elle revient des gouffres éperdus,

Lorsque nous lui disons : « Parle. Que faut-il faire ?
Enseigne-nous le vrai chemin. D’où vient le jour ?
Pour nous sauver, faut-il qu’on lutte ou qu’on diffère ? »
Elle répond : « Le mot du problème est Amour !