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prologues.

La foule, cette grande et fatale orpheline ;
Et cette Jeanne d’Arc se change en Messaline.
Ah ! quand Gracchus se dresse aux rostres foudroyants,
Quand Cynégire mord les navires fuyants,
Quand avec les Trois-cents, hommes faits ou pupilles,
Léonidas s’en va tomber aux Thermopyles,
Quand Botzaris surgit, quand Schwitz confédéré
Brise l’Autriche avec son dur bâton ferré,
Quand l’altier Winckelried, ouvrant ses bras épiques,
Meurt dans l’embrassement formidable des piques,
Quand Washington combat, quand Bolivar paraît,
Quand Pélage rugit au fond de sa forêt,
Quand Manin, réveillant les tombes, galvanise
Ce vieux dormeur d’airain, le lion de Venise,
Quand le grand paysan chasse à coups de sabot
Lautrec de Lombardie et de France Talbot,
Quand Garibaldi, rude au vil prêtre hypocrite,
Montre un héros d’Homère aux monts de Théocrite,
Et fait subitement flamboyer à côté
De l’Etna ton cratère, ô sainte Liberté !
Quand la Convention impassible tient tête
A trente rois, mêlés dans la même tempête,
Quand, liguée et terrible et rapportant la nuit,
Toute l’Europe accourt, gronde et s’évanouit
Comme aux pieds de la digue une vague écumeuse,
Devant les grenadiers pensifs de Sambre-et-Meuse,
C’est le peuple ; salut, ô peuple souverain !
Mais quand le lazzarone ou le transteverin