Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/110

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Moi, je suis là, joyeux de ne voir rien plier.
Je dis à tous d’aimer, de lutter, d’oublier,
De n’avoir d’ennemi que l’ennemi ; je crie :
Je ne sais plus mon nom, je m’appelle Patrie !
Quant aux femmes, soyez très fière, en ce moment
Où tout penche, elles sont sublimes simplement.
Ce qui fit la beauté des Romaines antiques*,
C’étaient leurs humbles toits, leurs vertus domestiques,
Leurs doigts que l’âpre laine avait faits noirs et durs,
Leurs courts sommeils, leur calme, Annibal près des murs
Et leurs maris debout sur la porte Colline.
Ces temps sont revenus. La géante féline,
La Prusse tient Paris, et, tigresse, elle mord
Ce grand cœur palpitant du monde à moitié mort.
Eh bien, dans ce Paris, sous l’étreinte inhumaine,
L’homme n’est que Français, et la femme est Romaine.
Elles acceptent tout, les femmes de Paris,
Leur âtre éteint, leurs pieds par le verglas meurtris,
Au seuil noir des bouchers les attentes nocturnes,
La neige et l’ouragan vidant leurs froides urnes,
La famine, l’horreur, le combat, sans rien voir
Que la grande pairie et que le grand devoir ;