Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/153

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Avaient l’air d’un tourment stérile, et, se suivant
Comme la grêle suit les colères du vent
Et comme la chaleur succède à la froidure,
Semblaient ne dégager qu’une loi : Rien ne dure.
Les nations, courbant la tête, n’avaient plus
D’autre philosophie en ces flux et reflux
Que la rapidité des chars passant sur elles ;
Nul ne voyait le but de ces vaines querelles ;
Et Flaccus s’écriait : — Puisque tout fuit, aimons,
Vivons, et regardons tomber l’ombre des monts ;
Riez, chantez, cueillez des grappes dans les treilles
Pour les pendre, ô Lydé, derrière vos oreilles ;
Ce peu de chose est tout. Par Bacchus, sur le poids
Des héros, des glandeurs, de la gloire et des rois,
Je questionnerai Caron, le passeur d’ombres ! —

Depuis on a compris. Les foules et les nombres
Ont perdu leur aspect de chaos par degrés,
Laissant vaguement voir quelques points éclairés.

Quoi ! la guerre, le choc alternatif et rude
Des batailles tombant sur l’âpre multitude,
Sur le choc triste et brut des fauves nations,
Quoi ! ces frémissements et ces commotions
Que donne au droit qui naît, au peuple qui se lève,
La rencontre sonore et féroce du glaive,
Ce vaste tourbillon d’étincelles qui sort
Des combats, des héros s’entre-heurtant, du sort,