Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/154

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Ce tumulte insensé des camps et des tueries,
Quoi ! le piétinement de ces cavaleries,
Les escadrons couvrant d’éclairs les régiments,
Quoi ! ces coups de canon battant ces murs fumants,
Ces coups d’épieux, ces coups d’estocs, ces coups de piques,
Le retentissement des cuirasses épiques,
Ces victoires broyant les hommes, cet enfer,
Quoi ! les sabres sonnant sur les casques de fer,
L’épouvante, les cris des mourants qu’on égorge…
— C’est le bruit des marteaux du progrès dans la forge.
— Hélas

En même temps, l’infini, qui connaît
L’endroit où chaque cause aboutit, et qui n’est
Qu’une incommensurable et haute conscience,
Faite d’immensité, de paix, de patience,
Laisse, sachant le but, choisissant le moyen,
Souvent, hélas ! le mal se faire avec du bien ;
Telle est la profondeur de l’ordre ; obscur, suprême,
Tranquille, et s’affirmant par ses démentis même.
C’est ainsi qu’un bandit de Marc-Auréle est né ;
C’est ainsi que, hideux, devant l’homme étonné,
Le ciel y consentant, avec le Christ auguste,
Avec la loi d’un saint, avec la mort d’un juste,
Avec ces mots si doux : — Nourris quiconque a faim.
— Aime autrui comme toi. — Ne fais pas au prochain
Ce que tu ne veux pas qu’à toi-même on te fasse. —
Avec cette morale où tout est vie et grâce,