Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/155

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Avec ces dogmes pris au plus serein des cieux,
Loyola construisit son piège monstrueux ;
Sombre araignée à qui Dieu, pour tisser sa toile,
Donnait des fils d’aurore et des rayons d’étoile.

Et même, en regardant plus haut, quel est celui
Qui s’écriera : — Je suis l’astre, et j’ai toujours lui ;
Je n’ai jamais failli, jamais péché ; j’ignore
Les coups du tentateur à ma vitre sonore ;
Je suis sans faute. — Est-il un juste audacieux
Qui s’ose affirmer pur devant l’azur des cieux ?
L’homme a beau faire, il faut qu’il cède à sa nature ;
Une femme l’émeut, dénouant sa ceinture,
Il boit, il mange, il dort, il a froid, il a chaud ;
Parfois la plus grande âme et le cœur le plus haut
Succombe aux appétits d’en bas ; et l’esprit quête
Les satisfactions immondes de la bête,
Regarde à la fenêtre obscène, et va, les soirs,
Rôder de honte en honte au seuil des bouges noirs.
— Oui, c’est la porte abjecte, et cependant j’y passe,
Dit Caton à voix haute et Jean-Jacque à voix basse.
La Syrienne chante à Virgile évohé ;
Socrate aime Aspasie, Horace suit Chloé ;
Tout homme est le sujet de la chair misérable ;
Le corps est condamné, le sang est incurable ;
Pas un sage n’a pu se dire, en vérité,
Guéri de la nature et de l’humanité.