Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/159

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Comme ceux qui de tous portent les intérêts
Ont l’épaule meurtrie aux angles du progrès !
Comme tout se défait et retombe à mesure !
Pas de principe acquis ; pas de conquête sûre ;
A l’instant où l’on croit l’édifice achevé,
Il s’écroule, écrasant celui qui l’a rêvé ;
Le plus grand siècle peut avoir son heure immonde ;
Parfois sur tous les points du globe un fléau gronde,
Et l’homme semble pris d’un accès de fureur.
L’européen, ce frère aîné, joute d’honneur
Avec le caraïbe, avec le malabare ;
L’anglais civilisé passe l’indou barbare ;
O pugilat hideux de Londre et de Delhy !
Le but humain s’éclipse en un infâme oubli.
Il est nuit du Danube au Nil, du Gange à l’Ebre.
Fête au nord ; c’est la mort du midi qu’on célèbre.
Europe, dit Berlin, ris, la France n’est plus !
O genre humain, malgré tant d’âges révolus,
Ta vieille loi de haine est toujours la plus forte ;
L’évangile est toujours la grande clarté morte,
Le jour fuit, la paix saigne, et l’amour est proscrit,
Et l’on n’a pas encor décloué Jésus-Christ.