Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/186

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                        VI

Le penseur est lugubre au fond des solitudes.
Ce n’est plus l’esprit calme aux graves attitudes ;
Les éclairs indignés dans sa prunelle ont lui ;
Il n’est plus libre, il a de la colère en lui ;
Il est le prisonnier sinistre de la haine.
Lui, ce frère apaisant l’homme dans sa géhenne,
Lui, dont la vie en flots d’amour se répandit,
Lui le consolateur, le voilà qui maudit !
Lui qui croyait n’avoir jamais d’autre souffrance
Que tout le genre humain, il souffre dans la France ;
Il reconnaît qu’il est sur terre un coin sacré,
La patrie, et cher, même au cœur démesuré,
Et que l’âme du sage est quelquefois amère,
Et qu’il redevient fils s’il voit saigner sa mère.

Certe, il ne sera pas toujours désespéré.
Un jour dans son regard reviendront par degré
Les augustes rayons de l’aube après l’éclipse ;
On verra, certe, après l’infâme apocalypse,
Reparaître sur lui lentement les blancheurs
Que Dieu fait dans la nuit poindre au front des chercheurs,
Et que de loin envoie à l’homme, au gouffre, au bagne,