Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/213

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Pas une de ces tours, silhouettes superbes ;
Plus de ponts, plus de quais ; des étangs sous des herbes,
Un fleuve extravasé dans l’ombre, devenu
Informe, et s’en allant dans un bois inconnu ;
Le vague bruit de l’eau que le vent triste emporte.
Et voyez-vous l’effet que ferait cette morte !

                         *

Mais qui donc a jeté ce tison ? Quelle main,
Osant avec le jour tuer le lendemain,
A tenté ce forfait, ce rêve, ce mystère
D’abolir la ville astre, âme de notre terre,
Centre en qui respirait tout ce qu’on étouffait ?
Non, ce n’est pas toi, peuple, et tu ne l’as pas fait.
Non, vous les égarés, vous n’êtes pas coupables !
Le vénéneux essaim des causes impalpables,
Les vieux faits devenus invisibles vous ont
Troublé l’âme, et leur aile a battu votre front ;
Vous vous êtes sentis enivrés d’ombre obscure ;
Le taon vous poursuivait de son âcre piqûre,
Une rouge lueur flottait devant vos yeux,
Et vous avez été le taureau furieux.

J’accuse la Misère, et je traîne à la barre
Cet aveugle, ce sourd, ce bandit, ce barbare,