Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/239

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Hélas ! ne pouvoir plus leur parler dans la tombe ;
C’est là l’exil.

L’exil, c’est la goutte qui tombe,
Et perce lentement et lâchement punit
Un cœur que le devoir avait fait de granit ;
C’est la peine infligée à l’innocent, au juste,
Et dont ce condamné, sous Tarquin, sous Auguste,
Sous Bonaparte, rois et césars teints de sang,
Meurt, parce qu’il est juste et qu’il est innocent.
Un exil, c’est un lieu d’ombre et de nostalgie ;
On ne sait quelle brume en silence élargie,
Que tout, un chant qui passe, un bois sombre, un récif,
Un souffle, un bruit, fait croître autour d’un front pensif.
Oh ! la patrie existe ! Elle seule est terrible.
Elle seule nous tient par un fil invisible ;
Elle seule apparaît charmante à qui la perd ;
Elle seule en fuyant fait le monde désert ;
Elle seule à ses champs, hélas ! restés les nôtres,
A ses arbres qui n’ont point la forme des autres,
A sa rive, à son ciel, ramène tous nos pas.
L’étranger peut bannir, mais il n’exile pas.