Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/279

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On n’ouvre qu’à demi le volet, s’il le faut.
On n’aime pas la guerre et l’on hait l’échafaud
En théorie ; eh bien, on s’en sert en pratique.
Mon cher, il faut au temple adosser la boutique ;
Je sais qu’on a chassé les vendeurs du saint lieu,
Mais le tort de Jésus est d’être un peu trop dieu.
Il me faudrait de fiers garants pour que je crusse
Qu’il eût payé les cinq milliards à la Prusse.
Le sage se modère en tout. Calme en mon coin,
Je blâme l’infini, mon cher, qui va trop loin ;
Sur la création, beaucoup trop large sphère,
Les bons esprits ont bien des critiques à faire ;
L’excès est le défaut de ce monde, entre nous ;
Le soleil est superbe et le printemps est doux,
L’un a trop de rayons et l’autre a trop de roses ;
C’est l’inconvénient de ces sortes de choses,
Et Dieu n’est pas exempt d’exagération.
L’imiter, c’est tomber dans la perfection,
Grand danger ; tout va mieux sur un patron moins ample,
Et Dieu ne donne pas toujours le bon exemple.
A quoi sert d’être à pic ? Jésus passe le but
En n’examinant point l’offre de Belzébuth ;
Je ne dis pas qu’il dût accepter ; mais c’est bête
Que Dieu soit impoli quand le diable est honnête.
Il eût mieux valu dire : On verra, mon ami.
Le sage ne fait pas le fier. Une fourmi
Travaille plus avec sa routine ordinaire
Et son bon sens, qu’avec son vacarme un tonnerre.