Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/318

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O ville, que ton sort tragique est enviable !
Ah ! ta mort laisserait l’univers orphelin.
Un astre est dans ta plaie ; et Carthage ou Berlin
Achèterait au prix de toutes ses rapines
Et de tous ses bonheurs ta couronne d’épines.
Jamais enclume autant que toi n’étincela.
Ville, tu fonderas l’Europe. Ah ! d’ici là
Que de tourments ! Paris, ce que ta gloire attire,
La dette qu’on te vient payer, c’est le martyre.
Accepte. Va, c’est grand. Sois le peuple héros.
Laisse après les tyrans arriver les bourreaux,
Après le mal subis le pire, et reste calme.
Ton épée en ta main devient lentement palme.
Fais ce qu’ont fait les Grecs, les Romains, les Hébreux.
Emplis de ta splendeur le moule ténébreux.
Les peuples t’auront vue, ô cité magnanime,
Après avoir été la lueur de l’abîme,
Après avoir lutté comme c’est le devoir,
Après avoir été cratère, après avoir
Fait bouillonner, forum, cirque, creuset, vésuve,
Toute la liberté du monde dans ta cuve,
Après avoir chassé la Prusse, affreux géant,
Te dressant tout à coup hors du gouffre béant,
En bronze, déité d’éternité vêtue,
Flamboyer lave, et puis te refroidir statue !