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Septembre.


Il faudra que le Sud ou le Nord y descende ;
Il faudra qu’une race ou l’autre tombe au fond
De l’abîme où les rois et les dieux se défont.
Et pensifs, croyant voir venir vers nous la gloire,
Les chocs comme en ont vu les hommes de la Loire,
Wagram tonnant, Leipsick magnifique et hideux,
Cyrus, Sennachérib, César, Frédéric Deux,
Nemrod, nous frémissions de ces sombres approches… -

Tout à coup nous sentons une main dans nos poches.

*


Il s’agit de ceci : Nous prendre notre argent.

Certe, on se disait bien : Bonaparte indigent
Fut un escroc, et doit avoir pour espérance
De voler l’Allemagne ayant volé la France ;
Il filouta le trône ; il est vil, fourbe et laid ;
C’est vrai ; mais nous faisions ce rêve qu’il allait
Rencontrer un vieux roi, fier de sa vieille race,
Ayant Dieu pour couronne et l’honneur pour cuirasse,
Et trouver devant lui, comme au temps des Dunois,
Un de ces paladins des antiques tournois
Dont on voit vaguement se modeler l’armure
Dans les nuages pleins d’aurore et de murmure.
O chute ! illusion ! changement de décor !