Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/50

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Et j’ai dit à ce peuple altier, farouche, ardent,
A ce peuple indigné, sans peur, sans joug, sans règle,
J’ai dit à ce Paris, comme le klephte à l’aigle :
Mange mon cœur, ton aile en croîtra d’un empan.

Quand le Christ expira, quand mourut le grand Pan,
Jean et Luc en Judée et dans l’Inde Epicure
Entendirent un cri d’inquiétude obscure ;
La terre tressaillit quand l’Olympe tomba ;
D’Ophir à Chanaan et d’Assur à Saba,
Comme un socle en ployant fait ployer la colonne,
Tout l’Orient pencha quand croula Babylone ;
La même horreur sacrée est dans l’homme aujourd’hui,
Et l’édifice sent fléchir le point d’appui ;
Tous tremblent pour Paris qu’étreint une main vile ;
On tuerait l’Univers si l’on tuait la Ville ;
C’est plus qu’un peuple, c’est le monde que les rois
Tâchent de clouer, morne et sanglant, sur la croix ;
Le supplice effrayant du genre humain commence.
 
Donc luttons. Plus que Troie et Tyr, plus que Numance,
Paris assiégé doit l’exemple. Soyons grands.
Affrontons les bandits conduits par les tyrans.
Les Huns reviennent comme au temps de Frédégaire ;
Laissons rouler vers nous les machines de guerre ;
Faisons front, tenons tête ; acceptons, seuls, trahis,