Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/92

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Les drapeaux avançant ou fuyant, les galops
Des escadrons pareils aux mers roulant leurs flots,
Au milieu de ce vaste et sinistre engrenage,
Conquérant pingre, on pense à son petit ménage ;
On médite, ajoutant Shylock à Galgacus,
De meubler son amante aux dépens des vaincus ;
On a pour idéal d’offrir une pendule
A quelque nymphe blonde au pied du mont Adule ;
Bellone échevelée et farouche descend
Du nuage d’où sort l’éclair, d’où pleut le sang,
Et s’emploie à clouer des caisses d’emballage ;
On rançonne un pays village par village ;
On est terrible, mais fripon ; on est des loups,
Des tigres et des ours qui seraient des filous.
On renverse un empire et l’on coupe une bourse.
César, droit sur son char, dit : Payez-moi ma course.
On massacre un pays, le sang est encor frais ;
Puis on arrive avec le total de ses frais ;
On tarife le meurtre, on cote la famine :
— Voilà bientôt six mois que je vous extermine ;
C’est tant. Je ne saurais vous égorger à moins. —
Et l’on étonne au fond des cieux ces fiers témoins,
Les aïeux, les héros, pâles dans les nuages,
Par des hauts faits auxquels s’attachent des péages ;
On s’inquiète peu de ces fantômes-là ;
Avec cinq milliards on rentre au Walhalla.
Pirates, d’une banque on a fait l’abordage.
On copie en rapine, en fraude, en brigandage,