Page:Hugo - L'Art d'être grand-père, 1877.djvu/162

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Charles lève ses yeux pleins de pleurs transparents,
Et dit : — Je n’ai pas peur. — L’homme, pareil aux marbres,
Reprend, tandis qu’au loin on entend sous les arbres
Jouer les écoliers, gais et de bonne fois :
— Enfant, je fus jadis exilé comme toi,
Pour avoir comme toi barbouillé des figures.
Comme toi les pédants, j’ai fâché les augures.
Élève de Jauffret que jalouse Massin,
Voyons ton livre. — Il dit, et regarde un dessin
Qui n’a pas trop de queue et pas beaucoup de tête.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? – Monsieur, c’est une bête.
— Ah ! tu mets dans mes vers des bêtes ! Après tout,
Pourquoi pas ? puisque Dieu, qui dans l’ombre est debout,
En met dans les grands bois et dans les mers sacrées.
Il tourne une autre page, et se penche : — Tu crées.
Qu’est ceci ? Ça m’a l’air fort beau, quoique tortu.
— Monsieur, c’est un bonhomme. — Un bonhomme, dis-tu ?
Eh bien, il en manquait justement un. Mon livre
Est rempli de méchants. Voir un bonhomme vivre
Parmi tous ces gens-là me plaît. Césars bouffis,
Rangez-vous ! Ce bonhomme est dieu. Merci, mon fils. —
Et, d’un doigt souverain, le voilà qui feuillette
Nisard, l’âne, le nez du maître, la belette
Qui peut être est un bœuf, les dragons, les griffons,
Les pâtés d’encre ailés, mêlés aux vers profonds,
Toute cette gaieté sur son courroux éparse,
Et Juvénal s’écrie ébloui : — C’est très farce !