Page:Hugo - L'Art d'être grand-père, 1877.djvu/240

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Ces chers petits ! Je suis grand-père sans mesure ;
Je suis l’ancêtre aimant ces nains que l’aube azure,
Et regardant parfois la lune avec ennui,
Et la voulant pour eux, et même un peu pour lui ;
Pas raisonnable enfin. C’est terrible. Je règne
Mal, et je ne veux pas que mon peuple me craigne ;
Or, mon peuple, c’est Jeanne et George ; et moi, barbon,
Aïeul sans frein, ayant cette rage, être bon,
Je leur fais enjamber toutes les lois, et j’ose
Pousser aux attentats leur république rose ;
La popularité malsaine me séduit ;
Certe, on passe au vieillard, qu’attend la froide nuit,
Son amour pour la grâce et le rire et l’aurore ;
Mais des petits, qui n’ont pas fait de crime encore,
Je vous demande un peu si le grand-père doit
Etre anarchique, au point de leur montrer du doigt,
Comme pouvant dans l’ombre avoir des aventures,
L’auguste armoire où sont les pots de confitures !
Oui, j’ai pour eux, parfois, — ménagères, pleurez ! —
Consommé le viol de ces vases sacrés.
Je suis affreux. Pour eux je grimpe sur des chaises !
Si je vois dans un coin une assiette de fraises
Réservée au dessert de nous autres, je dis :
— Ô chers petits oiseaux goulus du paradis,
C’est à vous ! Voyez-vous, en bas, sous la fenêtre,
Ces enfants pauvres, l’un vient à peine de naître,
Ils ont faim. Faites-les monter, et partagez. —