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L’enfant, parvenu sur le plateau, s’arrêta, posa fermement ses deux pieds nus sur le sol gelé, et regarda.

Derrière lui la mer, devant lui la terre, au-dessus de sa tête le ciel.

Mais un ciel sans astres. Une bruine opaque masquait le zénith.

En arrivant au haut du mur de rocher, il se trouvait tourné du côté de la terre, il la considéra. Elle était devant lui à perte de vue, plate, glacée, couverte de neige. Quelques touffes de bruyère frissonnaient. On ne voyait pas de routes. Rien. Pas même une cabane de berger. On apercevait çà et là des tournoiements de spirales blêmes qui étaient des tourbillons de neige fine arrachés de terre par le vent, et s’envolant. Une succession d’ondulations de terrain, devenue tout de suite brumeuse, se plissait dans l’horizon. Les grandes plaines ternes se perdaient sous le brouillard blanc. Silence profond. Cela s’élargissait comme l’infini et se taisait comme la tombe.

L’enfant se retourna vers la mer.

La mer comme la terre était blanche ; l’une de neige, l’autre d’écume. Rien de mélancolique