Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/133

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Une brise faible agitait la chaîne, et ce qui pendait à la chaîne vacillait doucement. Cette masse passive obéissait aux mouvements diffus des étendues ; elle avait on ne sait quoi de panique ; l’horreur qui disproportionne les objets lui ôtait presque la dimension en lui laissant le contour ; c’était une condensation de noirceur ayant un aspect ; il y avait de la nuit dessus et de la nuit dedans ; cela était en proie au grandissement sépulcral ; les crépuscules, les levers de lune, les descentes de constellations derrière les falaises, les flottaisons de l’espace, les nuages, toute la rose des vents, avaient fini par entrer dans la composition de ce néant visible ; cette espèce de bloc quelconque suspendu dans le vent participait de l’impersonnalité éparse au loin sur la mer et dans le ciel, et les ténèbres achevaient cette chose qui avait été un homme.

C’était ce qui n’est plus.

Être un reste, ceci échappe à la langue humaine. Ne plus exister, et persister, être dans le gouffre et dehors, reparaître au-dessus de la mort, comme insubmersible, il y a une certaine quantité d’impossible mêlée à de telles réalités.