Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/185

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il n’en parut pas contrarié, bien qu’elle s’éloignât de cinq pointes du vent de la route. Il tenait lui-même la barre le plus possible, paraissant ne se fier qu’à lui pour ne perdre aucune force, l’effet du gouvernail s’entretenant par la rapidité du sillage.

La différence entre le vrai rumb et le rumb apparent étant d’autant plus grande que le vaisseau a plus de vitesse, l’ourque semblait gagner vers l’origine du vent plus qu’elle ne faisait réellement. L’ourque n’avait pas vent largue et n’allait pas au plus près, mais on ne connaît directement le vrai rumb que lorsqu’on va vent arrière. Si l’on aperçoit dans les nuées de longues bandes qui aboutissent au même point de l’horizon, ce point est l’origine du vent ; mais ce soir-là il y avait plusieurs vents, et l’aire du rumb était trouble ; aussi le patron se méfiait des illusions du navire.

Il gouvernait à la fois timidement et hardiment, brassait au vent, veillait aux écarts subits, prenait garde au lans, ne laissait pas arriver le bâtiment, observait la dérive, notait les petits chocs de la barre, avait l’œil à toutes les circonstances du mouvement, aux inégalités de vitesse